
Le marié embrassa tendrement la mariée.
Tous applaudirent.
Puis, enlacés très amoureusement sur la piste de dance, ils valsèrent jusqu’au petit matin.
Charles, l’époux, avait confié à sa femme, Emma: « J’ai une magnifique surprise pour toi, ma chérie.
Je vais t’offrir le plus inoubliable des voyages de noce. »
Depuis, Emma se demandait sans cesse où ils pourraient bien aller.
Elle rêvait d’une île du Pacifique, plages blanches et nuits câlines, où ils resteraient couchés à regarder les étoiles sur le sable encore chaud.
D’ailleurs, anticipant cette éventualité en certitude, elle s’était achetée un magnifique maillot de bain mauve au ton rehaussé par de grosses fleurs jaune d’or qui mettrait en valeur son joli corps, ainsi qu’un chapeau assorti, à large bord entouré d’une fine dentelle.
Bien entendu, elle avait soigneusement caché ses achats afin d’en faire la belle surprise à Charles.
Justement, il venait d’entrer dans la chambre de leur tout nouvel appartement situé dans un des quartiers les plus chics de la ville.
Il s’approcha d’elle avec tant de mystère qu’elle en frissonna.
Il lui glissa à l’oreille d’une voix très douce: « Demain nous partons! Prépare tes affaires. Mais attention, pas plus de deux kilos, le sac! »
Elle en fut quelque peu contrariée.
Elle qui aimait porter toilettes n’avait pas pour habitude de se limiter à si peu.
Sa moue boudeuse fit beaucoup rire Charles.
« Tu verras, mon amour, là où je t’emmène tu n’auras pas besoin de plus! »
Cependant, elle resta tout de même agacée de cela.
Le lendemain, dès l’aube, après avoir chargé la voiture, ils partirent.
Ils riaient beaucoup, Charles plaisantait, pourtant Emma remarqua qu’il cachait une certaine nervosité.
Elle n’osait pas lui demander ce qui le troublait à ce point.
Ses mains, quand il lâchait le volant, tremblaient.
Et son rire saccadé semblait cacher quelque chose.
« Mais quoi? » s’interrogeait Emma.
Ils avaient roulé déjà depuis plusieurs heures, traversant les états, quand ils s’engagèrent en plein désert.
Emma, qui avait gardé le silence jusqu’alors, lui demanda: « Mais où m’emmènes-tu donc? »
Le sourire par lequel répondit Charles, à présent lui aussi silencieux, ressembla plus à un rictus.
Cela mit mal à l’aise Emma.
Que pouvait-il bien lui cacher?
Et pourquoi était-il si crispé?
Tout à coup, elle se mit à penser qu’en réalité elle ne savait pas grand chose de lui.
Ils s’étaient rencontrés à un diner organisé par leurs patrons respectifs, étaient tombés fous amoureux, et Charles s’était empressé de lui demander sa main.
Elle n’avait pas cherché plus loin, tant elle avait été charmée par son regard amoureux et ses propos enflammés, et, conquise, elle avait tout de suite dit oui.
Pourtant, à présent, elle s’inquiétait.
Plus ils s’enfonçaient dans le désert, plus elle avait grand mal à refouler ses larmes.
Si Charles était un sérial killer, qui la retrouverait dans ce coin complétement perdu au beau milieu de nul part?
Personne ne savait où ils étaient partis.
Sa famille, originaire d’un autre continent, n’avait pas pu faire le déplacement pour le mariage.
Elle prit conscience à quel point elle avait été une proie facile.
Elle ne connaissait personne car elle n’était là que depuis peu de temps, venant à peine d’entamer son contrat.
Quelle aubaine pour un homme qui aurait voulu en faire sa victime.
Elle en était certaine à présent, Charles allait la tuer.
La voiture s’arrêta brutalement, elle était à présent terrifiée.
Charles ouvrit la boîte à gants de la voiture et en sortit un large bandeau noir.
Il ne cherchait même plus à sourire ou à plaisanter, il lui dit d’une voix calme mais ferme: « Mets ceci sur tes yeux, ne regarde surtout pas, ne l’enlève que quand je te le dirai de le faire. »
Elle s’exécuta, toute tremblante, l’estomac noué, persuadée de sa mort, imminente et violente.
C’est plongée dans le noir le plus total que se continua pour elle le voyage, sans qu’elle puisse en évaluer ni la distance ni le temps.
Petit à petit, des bruits étranges, de plus en plus forts, qu’elle ne parvenait pas à identifier, résonnèrent à ses oreilles.
C’est alors dans ce vacarme abrutissant que la voiture s’arrêta.
« Ne quitte surtout pas ton bandeau! »: lui rappela Georges.
« Nous sommes arrivés! »
Il la fit descendre de la voiture, et l’entraina à quelques mètres.
Le sol était étonnamment dur, le bruit presque insupportable à présent.
Charles l’invita à grimper le long d’une petite échelle, les yeux toujours bandés.
Et là, enfin, elle se trouva assise sur un fauteuil très confortable.
« Mais oui »: songea-t-elle, « Quelle idiote j’ai été, nous sommes dans un parc d’attractions. »
Elle en avait entendu parler, on l’avait implanté en plein désert.
Et elle riait en elle-même de la frayeur qu’elle s’était faite.
Au même moment, elle fut comme arrachée de son siège, projetée en avant, puis en arrière, par une force d’une telle puissance qu’elle ne parvint pas à la définir, sentit sa poitrine être écrasée, sa tête prête à exploser.
Puis, tout devint calme.
Elle était encore sous le choc quand Charles, d’une voix très douce, très émue aussi, il lui sembla, lui demanda d’ôter son bandeau.
Ses yeux, trop habitués au noir, ne distinguèrent rien pendant quelques secondes, puis elle découvrit une immense vitre, noire aussi, où dansaient des milliers de petits points lumineux.
Elle resta un long moment sans comprendre, puis elle s’exclama, fascinée par le spectacle des étoiles dansant autour d’eux: « Oh Charles, mon chéri! C’est donc cela, ta surprise, un voyage de noce dans l’espace! »
C’est là qu’elle comprit à quel point l’homme qu’elle avait épousé était merveilleux!

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